Interview : Laurence Body, studio X+M

Laurence Body, spécialiste Expérience Client

L’orientation Client. Un enjeu d’actualité sur lequel nous avons pu échanger avec plusieurs experts : comment la mettre en œuvre ? Quels bénéfices concrets pour les organisations ? Retrouvez l’interview de Laurence Body, fondatrice du studio X+M et spécialiste en management de l’expérience client et de design, auteur du livre : L’Expérience Client en pratique, par Laurence Body et Sylvie Daumal, aux éditions Eyrolles (nov. 2019) qui partage avec nous son retour d’expérience et ses bonnes pratiques.

Quelle est votre définition d’une entreprise “Customer Centric” ou “Orientée Client” ?

Je ferais une différence au préalable entre orientation client et centricité client. La centricité client intervient dans une seconde étape après l’orientation client. Quand on est orienté client, on déploie des programmes relationnels pour créer des stratégies de personnalisation, on soigne la qualité de la prise en charge du client, de son expérience ; en clair, on vise l’excellence opérationnelle. Par ailleurs, on reste dans une approche Top-Down : les collaborateurs exécutent ce qui a été décidé par le Top Management. A contrario, la centricité client ne prend pas seulement en compte la dimension opérationnelle ; elle cherche à susciter des émotions. La vocation d’une entreprise centrée client est de comprendre le consommateur : pourquoi agit-il de telle façon ou comment perçoit-il tel service ? On rentre dans l’intimité du client en cherchant à le toucher au cœur. Par ailleurs, on s’intéresse non pas aux gens, mais au client dans toutes ses dimensions et à ce qu’il vit dans tous les pans de son quotidien. Côté collaborateurs, on les intègre dans le processus de création et de design, voire on invite les clients.

Avez-vous des exemples concrets ?

Quand une entreprise est centrée client, elle prend en compte les émotions des gens dans leur situation de vie. Un changement de tarification ou de portiques pour la validation des billets à la SNCF, sans demander aux usagers si ça répondait à leurs attentes, crée un bazar monstre. L’entreprise ne s’est pas basée sur la façon de vivre des usagers et leurs ressentis, mais sur ses propres besoins. Par ailleurs, la SNCF traite plus de réclamations, car elle est davantage centrée sur ses processus que sur les ressources pour comprendre que les usagers ont besoin de souplesse. Un service fluide et sans couture fonctionne si et seulement si tout fonctionne par ailleurs. Mais il suffit d’un grain de sable pour que tout ce rêve s’écroule. La centricité client consiste à concevoir l’expérience comme un tout dans un écosystème end to end.

Existe t-il une entreprise française qui est un modèle à ce sujet ?

Parmi les entreprises qui réussissent, je pense à la MAIF, qui d’ailleurs rafle tous les prix en matière de relation client depuis des années. Elle y arrive, car elle a des collaborateurs engagés qui voient du sens dans tout ce qu’entreprend la MAIF, et non pas uniquement la façon dont elle traite ses clients. Cela peut être la façon dont elle place son argent par exemple ; tous les assets sont placés dans des activités décarbonées. Ils ont par ailleurs retiré leurs placements des banques qui financent des entreprises dans les énergies fossiles. Tout cela crée une culture d’entreprise et donc un engagement total.

 

La vocation d’une entreprise centrée client est de comprendre le consommateur : pourquoi agit-il de telle façon ou comment perçoit-il tel service ? On rentre dans l’intimité du client en cherchant à le toucher au cœur.

 

Est-ce indispensable d’avoir une direction de l’Expérience Client ?

Absolument, cette direction doit porter l’expérience client à un niveau stratégique de l’organisation. C’est ce que font Engie et Renault. En revanche, si on s’en tient à rebrander la relation client en direction expérience client, cela reste au niveau des opérations et ça ne monte pas au Comex. Si c’est une petite équipe, cela ne sert à rien ; j’entends par direction expérience client, une entité avec des vrais moyens qui englobe la direction des opérations, les réclamations, la relation client, le marketing, le centre de contact, etc.

Au-delà de l’impulsion indispensable de la direction générale, comment faire infuser cette culture dans l’entreprise et faire en sorte d’embarquer tout le monde ?

Au sein même du comité exécutif, le P-dg doit expliquer en quoi cette démarche va se manifester dans l’organisation. En parallèle, il faut trouver des ambassadeurs ; des gens influents dans l’entreprise ; qui relaient cette culture et évangélisent. Il faut par ailleurs que l’actionnariat accepte cette culture.

Comment ces actions sont-elles répercutées sur les autres services ?

Justement, il n’y a plus de silos fonctionnels ; l’approche est transversale et décloisonnante. On prend en compte l’ensemble de la chaîne de valeur de l’expérience en amont et en aval : c’est du end-to-end, et non pas du silo par silo. Il faut imaginer les plans B, C en cas de dysfonctionnement ou de rupture de la chaîne de service. Cette complexité est intégrée dès l’amont, et c’est grâce au design que l’on peut envisager tout cela. L’expérience client est l’affaire de tous. Tout le monde est au même niveau et conçoit les expériences en fonction des situations de vie et non des processus internes.

Quel est le rôle des collaborateurs en contact avec le client final (vendeurs, conseillers clients, agents de service, etc.)?

Ce rôle devient central, c’est-à-dire que la pyramide s’inverse. C’est le collaborateur au contact du client qui devient le meilleur expert, car c’est lui qui est au courant des expériences qui ne fonctionnent pas. D’ailleurs, il est souvent amené à sortir des process. Il a affaire à la colère et la frustration, et pour satisfaire les clients, il tord les processus. Et c’est justement sur lui qu’on s’appuie pour connaître, comprendre, concevoir et délivrer. C’est pourquoi il est important de l’intégrer dans toutes les étapes de la chaîne de valeur.  

Par conséquent, le management vient en soutien et en accompagnement des équipes. Cette nouvelle forme d’organisation tend vers moins de hiérarchie. Les collaborateurs sont autonomes et responsabilisés, d’où le fait que les processus sont moins serrés et moins contrôlés. De cette façon, ils utilisent l’intelligence de situation, ce qui entraîne moins d’escalades et de transferts, et donc moins de frais de gestion de la non-qualité de service.

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